Histoire de la femme noire et ses cheveux crépus

Publié par Afro-Coton

Coiffure africaine

Episode 1: 1400-1900, Le traumatisme de l’esclavage

Ce qui suit ne concerne que les femmes noires en Amérique. Il est basé sur le bouquin (Hair Story) 2001 par D.Ayana Bryrd et Lori L.Tharp, et résumé par la blogueuse afro-américaine Abagond. Je l’ai traduit uniquement à titre informatif (avec son aimable autorisation), pour tout ceux et celles qui comme moi s’interrogeraient sur l’histoire de la relation de la femme noire occidentale à ses cheveux crépus.

La plupart des noirs en Amérique viennent d’Afrique sub-saharienne. Dans cette partie du monde les cheveux vont du crépu vaguement ondulé et fluide. Dans les années 1400 et 1500, il y avait toutes sortes de coiffures magnifiques. Les africaines avaient les bons types d’huiles et peignes pour se coiffer. Certainement prenaient des heures, d’autres même des jours. Seuls les fous et les personnes endeuillées ne s’occupaient pas de leurs cheveux.

Puis dans les années 1500 vinrent les négriers d’Europe. Une des premières choses qu’ils faisaient quand ils vous attrapaient étaient de vous couper les cheveux. Ce n’était que le début d’un long processus visant à effacer totalement votre culture et identité, de briser votre esprit pour vous rendre plus facile à contrôler. les esclaves ont commencé à arriver en Amérique dans les années 1600.

Dans les années 1700, les esclaves américains travaillaient souvent jusqu’à l’épuisement puis la mort. Ils avaient peu de temps pour les choses comme les belles coiffures africaines. Ainsi, la plupart des femmes recouvraient leur cheveux à l’aide d’un chiffon. C’était non seulement pour cacher leurs cheveux défaits, mais parfois aussi des choses comme la teigne ou les poux. Celles qui travaillaient à l’intérieur, elles pouvaient prendre soin de leurs cheveux. Pour eux, les nattes étaient courantes.

Dans les années 1800, les navires négriers cessèrent de venir d’Afrique. C’était le début de la raréfaction des esclaves. Cela signifiait que les esclaves en Amérique ne travaillaient plus si durement: leur vie valait maintenant plus ($1500 et plus)et il fallait donc les ménager. Ils ont donc commencé à avoir leur jour de repos le dimanche. Cela a donné aux femmes le temps de s’occuper de leurs cheveux, qu’elles couvraient encore dans un chiffon au cours de la semaine, mais les exposaient le dimanche à l’église.

Mais les choses ne se sont pas redevenus comme en Afrique pour deux raisons:

1-Le manque de produits de soins capillaires: personne en Amérique ne vendait de l’huile de palme ou les peignes adaptés aux cheveux afro. Ainsi, les femmes ont commencé à se débrouiller avec du beurre, de la graisse de bacon et d’autres graisses d’origine animal.

2-L’idée de “beaux cheveux”: vivre dans un pays de racistes blancs faisait que les femmes noires considéraient le cheveu crépu comme “mauvais” et les cheveux longs et lisses comme “bons cheveux”. Avoir les cheveux proches de ceux du maitre blanc étaient signe d’évolution et par conséquent augmentaient vos chances d’avoir accès à l’éducation, à de meilleurs traitement, et peut-être même à la liberté. Alors elles ont essayé de lisser leur cheveux, même si cela voulait dire utiliser des produits chimiques dangereux comme la soudes (qu’elles mélangeaient avec des pommes de terre).

L’idée de “bon cheveu”a également été renforcé par la façon dont les esclaves noirs des maisons et ceux affranchis paraissaient: à peau claire ou métis. Ce qui signifiait qu’ils avaient “les bons cheveux”. Pourtant, leur bonne fortune n’avait rien à voir avec leur apparence physique: c’est parce qu’ils avaient des relations avec des blancs anti esclavagistes qui les ont aidés.

Après la guerre de sécession où tous les esclaves ont été libérés, l’idée des “bons cheveux”c’est renforcée contrairement à ce qu’on pourrait croire: les noirs qui avaient été libérés avant la guerre voulaient s’accrocher à leur position au sommet de la société noire, de sorte qu’ils ont utilisé comme excuse leur peau claire et leurs “bons cheveux”.

Episode 2: 1900-1965, Le triomphe du cheveu défrisé.

Le début des années 1900 a vu naître un énorme engouement pour cheveux défrisés chez les femmes noires en Amérique, très loin des tresses, nattes et autres styles naturels. Quelques raisons peuvent être avancées à cela:

1-De “bons cheveux”était un signe de classe: les classes moyennes et supérieures noires étaient encore largement à la peau claire et très métissés, de sorte que leur cheveux étaient en généra moins frisés que celui de la plupart des Noirs. En 1916, par exemple, 80% des étudiants dans les collèges noirs étaient à peau claire ou de race mixte.

2-Les “bons cheveux” mis en boîte: la création et la commercialisation de produites de soins capillaires pour noirs par Madame CJ Walker et d’autres qui rendaient beaucoup plus facile le défrisage des cheveux afros. En particulier le fer à lisser, le peigne chauffant, et plus tard dans les années 1960 les défrisants chimiques.

3-Le changement du mode de vie de campagne à celui de la ville. les femmes dans les villes étaient plus susceptible de lisser leurs cheveux qui, à cette époque considéraient les cheveux frisés comme archaïques et démodés.

4-La liberté: L’esclavage aboli, les Noirs étaient désormais libres de grimper les échelons de la société américaine, mais ils continuaient à faire face au racisme de la société blanc. Les blanc voyaient les traits caractéristiques africains comme ceux d’un être sauvage, violent et manquant d’intelligence. Beaucoup de Noirs éclaircissaient leur peau et défrisaient leurs cheveux pour paraitre plus acceptables vis-à-vis des blanc afin d’aller de l’avant.

Durant les années 1900, toutes les reines de beauté noire et tous les modéles noirs qui posaient pour un magazine avaient les cheveux défrisés.Même les hommes défrisaient leurs cheveux, comme Malcom X le raconte péniblement dans son autobiographie.

Cela conduit à un grand débat sur les cheveux. Beaucoup de pasteur chrétien, des défenseurs des droits civiques, de journaux noirs et de nationalistes noirs s’élevèrent contre le défrisage, y voyant un signe de haine de soi. Et pourtant, ce sont les épouses de ces hommes qui envoyaient le message plus fort en défrisant leurs cheveux. Ce sont par exemple les cheveux de l’épouse de Booker T.Washington, qui ont conduit Madame CJ Walker à se lancer dans l’industrie.

Une autre tournure étrange, c’est qu’une grande partie de la presse noireoù ce débat s’effectuait étaient remplis d’annonces pour des produits de soins capillaires! C’était l’un des rares business profitable pour communauté noire de l’époque. Ainsi, alors que Marcus Garvey, par exemple, s’élevait contre le défrisage, 75% de la publicité dans son journal provenait de l’industrie des soins capillaires.

Comme l’ont remarqué Malcom X et Maya Angelou, il y avait un élément de la haine de soi là dedans, mais il y avait aussi plus que cela. Par exemple, alors que les femmes noires défrisaient leurs cheveux, elles faisaient rarement des coupes de coiffure commune chez les femmes blanches, et même quand elle le faisaient, elles cherchaient à les faire ressortit différemment. Ce n’était donc pas simplement une affaire d’imitation de blanc.

Le peigne chauffant, en passant n’était pas l’invention de Madame CJ Walker. Il était inventé à Paris dans les années 1800 à une époque où les coiffures égyptiennes étaient à la mode. Sears a commencé à les vendre en Amérique dans les années 1880, longtemps avant Walker qui a commercialisé le peigne chaud spécifiquement pour les femmes noires comme un moyen plus facile de se lisser les cheveux.

Black Power

Episode 3: 1965-1980, Retour aux sources

Dans les années 1920, il y avait un débat dans la communauté Noire sur le fait que les femmes devaient ou non se défriser les cheveux. Marcus Garvey, par exemple, était contre. Mais les cheveux défrisés finirent par l’emporter, si bien que la plupart des adultes dans les années 1960 ne connaissaient rien d’autre. Même les hommes défrisaient leurs cheveux. C’est à ce stade qu’éclatait la mode afro.

La mode des cheveux Afro, gonflés, ne viens pas d’Afrique subsaharienne, d’où sont originaires la plupart des Noirs en Amérique, mais d’Afrique du Sud. Là bas, ça s’appelait “Bush”. A la fin des années 1950, elle débarque à Greenwich Village, un quartier bohème de New York. Nina Simone fut l’une des première à la porter.

Elle apparut pour la première fois dans la culture poulaine américaine en 1960, lorsque Myriam Makeba porta une dans les pages du magazine Look et de nouveau deux ans plus tard, quand Cicely Tyson apparu à la télévision avec une belle coupe afro. Certains Noirs dirent à Tyson qu’elle donnait une mauvaise image des femmes noires.

Plus tard, vers les années 1966, les dirigeants du mouvement Black Power commencèrent à apparaitre dans les médias. Ils portaient des coupes Afros. Le port de l’Afro acquis désormais une signification: il signifiait un soutien au mouvement Black Power, il montrait que tu étais fier d’être noir, pas nègre ou homme de couleur, mais noir, noir n’était pas une mauvaise copie de blanc. Le Noir était grand et beau, tout seul, l’essence même du concept “Black is Beautiful”.

L’Afro se répandit parmi les étudiants universitaires, à la fois homme et femme. Leurs parents ne trouvaient pas ça beau. Normal! Puisqu’ils avaient grandi avec les cheveux défrisés. Ainsi, pour beaucoup d’entre eux ça semblait moche; et certains bien sûr n’approuvaient pas le Black Power.

Les Blancs d’abord furent agacés par elle: pas seulement en raison du mouvement Black Power, mais aussi en raison de son message de fierté noire, que beaucoup de blancs comprenaient comme: “je suis noir, je l’assume, et tu vas faire avec”. C’était nouveau: les Blancs étaient habitués aux Noirs essayant d’être comme eux.

L’Afro avait encore un sens politique jusque dans les années 1969. Mais alors que tout était fini: c’est alors que les Jackson 5 commencèrent à la porter. Quand un acte si fort est adopté par le grand public, vous savez qu’il est passé de symbole politique à la mode.

En 1971, il semble que tout le monde le prêtait, du moins si l’on se fie aux vieilles vidéos des “Soul Train” sur YouTube. Qu’est ce que cela voulait dire?

- L’Afro était devenu une simple mode, et les modes de durent jamais. En 1977, elle était clairement en voie de disparition.

- La seule façon de vous démarquer était d’avoir une plus grosse coupe d’Afro.

- Même les Noirs avec des “bon cheveux” portaient des Afros.

Les deux derniers ne pouvaient être réalisés qu’en ayant recours à des produits chimiques. Non seulement l’Afro perdu son message politique, maispour beaucoup, ce n’était même plus naturel.

L’Afro domina au cours de cette période, mais beaucoup continuaient de défriser leurs cheveux.

Source: http://angazamag.com.

DE NOS JOUR

"GOOD HAIR", le films de Chris Rock réalisé en 2009.

Un jour, la fille de 5 ans du comédien et humoristique populaire Chris Rock lui a demandé: “Pourquoi je n’ai pas des “bons cheveux"papa?"

Il n’en fallait pas plus pour envoyer Chris Rock courir les salons de beauté, barbiers et même les célébrités comme Ice-T, Dr. Maya Angelou, Sait n Pepa, Eve and Reverend Al Sharptonon qui racontent candidement leurs histoires et observation sur cette question culturelle, histoire de revenir avec une réponse sensée pour sa fille.

Poser cette question est prétexte à révéler toute une culture, riche en observation sociologiques.

Dans ce documentaire, dans la communauté noires, quand tu as de “beaux cheveux, tu es plus belle, tu es mieux que les autres, plus c’est blond et lisses, mieux c’est, évoque “Nia Long Short”, il y’a tellement de pression sur le fait de lisser les cheveux rajoute t’elle.

Les business des cheveux des noirs pèsent 9 millions de dollars. Et ces femmes ne vous laisseront pas toucher leur cheveux “tissage, extension, lace wig”, et les hommes noirs connaissent bien ces codes “on ne touche pas les cheveux d’une femme noirs”.

Ces femmes veulent avoir les cheveux lisses comme ceux des femmes blanches, le mal être de l’esclavage a gardé des traces, dans une société qui a du mal à accepter l’autre “la personne noire”.

Tyra Show

L’émission Tyra Show d’où la présentatrice n’est que Tyra Banks elle même, reprend le sujet “bons cheveux" suite au documentaire de Chris Rock.

Tyra a du expliquer à son équipe diversifiée, composée par majorité que de blancs, ce sujet qui est caché, mais si présent dans les communautés noires.

Les femmes noirs invitées dans son plateau définissent de “beaux cheveux" comme cheveux qui ne sont pas frisés, durs, ou crépus, “beaux cheveux” comme cheveux lisses et raide comme une blanche ou une indienne.

Ces femmes dépensent de milliers de dollars, des heures de défrisage, de tissages pour essayer d’avoir ce type de cheveu, avoir le “flow d’une blanche”: cheveu qui a du mouvement.

Pour ces femmes, le terme cheveux crépu à toujours été signe de mépris, compare même ces cheveux crépus à une éponge de cuisine.

Les mères défrisent les cheveux de petites filles dès le bas âge à cause des moqueries à l’école, l’image de la société “avoir des cheveux crépus, c’est être d’une classe sociale inférieur, avoir les cheveux lisses aide à l’intégration"

L’esclavage a donc laissé des traces, ces idées font partie de notre culture et elles n’ont jamais disparues et même alors que l’esclavage a été aboli, donc le problème c’est que les gens ne comprennent pas l’histoire de nos cheveux et d’où vient la souffrance.

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