Les tresses

Publié par Elisabeth

Les tresses

Les tresses. Couchées, renversées, crochetées, au fil… Nous nous en souvenons toutes. Et pour cause ! Elles ont fait partie de notre enfance. Surtout les douloureuses faites au fil.

Faites le samedi ou le dimanche, avant ou après la messe, dans un salon de coiffure ou chez une voisine. À moins de maladie grave ou de pluie diluvienne, il était quasiment impossible de s’y soustraire. Les pleurs des bébés, les bouderies de petites filles ou les excuses des adolescentes qui trouvaient cette coiffure d’une ringardise outrageante, n’y changeaient rien. Il fallait y passer.  Car cette coiffure avait le mérite de transformer les crinières frisées, touffues et rebelles, caractéristiques de tout cheveu négroïde qui se respecte, en chevelure docile et soyeuse. Pour ne rien arranger, elles avaient le don de rallonger prodigieusement les cheveux de toutes sortes, même les plus rébarbatifs. Comment, dans ces conditions, critiquer cette coiffure d’une efficacité aussi redoutable?

Surtout que ce type de tresses se déclinait de plusieurs façons, notamment selon la longueur du cheveu. Il y’avait  les« macabos » pour cheveux courts : ces sortes  de petites mottes de cheveux reliées les unes aux autres par du fil à tresser. Cette coiffure, d’une simplicité ascétique, ne donnait ni un look d’enfer ni des allures de top modèle. Et certaines la qualifiaient tout simplement de mocheté l’accusant de manquer d’originalité. Mais comment se préoccuper d’esthétique lorsque les résultats sont là? Et que la croissance et la souplesse des cheveux sont systématiquement au rendez-vous.  Et ce phénomène se répétait avec cette autre coiffure au nom étrange: les « suis-moi ». Dédiée cette fois aux cheveux mi-longs,  elle a laissé un souvenir impérissable chez plusieurs d’entre nous.

Moi, je me souviens encore de cette douleur lancinante qui me secouait le crâne à chaque fois que le fil passait au dessus de mes cheveux dans un bruit similaire à celui d’un fouet. C’était indescriptible. Et je suis certaine de ne pas avoir été la seule à douter du résultat esthétique obtenu, ne méritant aucunement cette souffrance. Je n’étais pas convaincue par ces mini ponts disgracieux qui semblaient faire une course folle sur mon crâne. Des morceaux de cheveux enchainés de fil, avant d’être courbés puis liés les uns aux autres. Une vraie torture… Et comme si ce n’était pas déjà assez pénible, les coiffeuses, calaient nos têtes déjà endolories entre leurs jambes nous laissant nous débattre avec des odeurs non sollicitées et clairement désagréables quelques fois. D’une méticulosité chirurgicale, elles ne lésinaient pas non plus sur l’énergie mise à serrer les cheveux afin qu’aucun d’eux ne tente de s’échapper de ce fil barbelé  qui les emprisonnait au point de les étouffer.

C’est ainsi qu’il était possible d’hériter de boursouflures frontales, de rougeurs,  boutons,  bosses,  crevasses et autres blessures sur nos cailloux meurtris. Quel supplice ! Renouvelées toutes les semaines qui plus est. Mais les succès probants de ces tresses au fil ôtaient toute envie d’entamer une courageuse campagne de dénigrement de ce rituel. C’est pourquoi, la mort dans l’âme, et une fois les cheveux plus longs, il fallait passer à cette autre coiffure sans nom et aux allures de chignon. Celle-là permettait de rassembler plusieurs longues tiges de tresses au fil ensemble au niveau de la nuque. Il faut reconnaître que c’était déjà plus créatif. Et puis, pour être honnête, le temps et la performance aidant, il était plus facile de s’habituer à son sort. Pratiquement toutes les jeunes filles en portaient à la douce époque de mon enfance et cela doit être encore le cas aujourd’hui.  Ironiquement, on note ces dernières années le grand retour des cheveux naturels. Porter des « macabos » n’est plus démodé mais désormais avant-gardiste ! Et je suis certaine qu’aujourd’hui, plusieurs, comme moi, repensent avec tendresse et nostalgie à ces moments de leur jeunesse. Qui finalement étaient un tourment nécessaire.

Non je ne regrette rien. Rien de rien.  Ni l’eau versée sur mon crâne pour calmer ses élancements. Ni les nuits sans sommeil. Ni les longues minutes sous le ventilateur à croire naïvement que l’air chaud qui s’en échappait calmerait mon mal. Car c’est grâce à ce traitement de choc que je peux aujourd’hui me prévaloir de supporter stoïquement toutes la panoplie de douleurs capillaires sans jamais broncher. Et puis, comme les blessés de guerres, j’ai moi aussi quelques cicatrices qui me rappellent ce que j’ai vécu, d’où je viens et qu’effectivement il faut souffrir pour être belle. Et cela, je ne l’échangerais contre rien au monde. Pas même un fil d’or…

Reine Mbea

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